Carnet de route

Du grand coin a(u) cellier(s), la foi(s) du croisé

Sortie :  du

Le 25/02/2018 par Lambert Pierre

Du grand coin a(u) Cellier(s), la foi(s) du croisé,

La façon étonnante de ce récit, pour ceux qui ont eu vent de cette sortie, ne consiste pas à considérer naïvement les choses du bon côté, même si certains propos peuvent évoquer une légèreté grinçante. Essayons de courir le mauvais temps et de nous rasseoir au bon, plage il y a de Monta(i)gne.

Commençons par justifier le titre :

Cinq participants, une 107, une japonaise petit format (rien d’étonnant), une je ne sais quoi, un Talisman (pas très utile même si on ne l’avait pas laissé Ah là-tour) et une break 508 avec des barres de toit, donc, on a mis les cartons et siège-bébé qui encombraient la pijot dans la caisse âge à frein et on a rejoint le point de départ de la randonnée, bien contents de pouvoir mettre cinq paires de planches de boa au frais, histoire de mieux mijoter au chaud un Gen(re)-loup oui, un Jean-Miche de pain, un Thomas te cuite depuis sa dernière sortie, un Nhugues est et le principal ingrédient de la soupe aux cailloux.

06h45, je trouvai ce départ (pas s(i)é simple) un peu tardif et en arrivant à Celliers, ben oui, plus de place mais là, grandeur de l’encadrant, il y a un deuxième parking, qui à l’air tout aussi bondé à ceci près qu’il restait une dernière place, juste au bout, juste à la bonne taille !

On chausse rapidement et on s’imbibe de ce bruit des peaux qui prend un timbre singulier dans cette atmosphère embrumée des cuisines de Celliers. Heureusement, il n’y a pas lard à diot. Sans être des coqs en pâte, on est quand même bien aux p’tits oignons jusqu’à ce que nous percevions le bruit des couteaux d’écho(s) mis de Lyon. On grille ces saucisses, sans grand mérite puisqu’ils étaient un peu boudinés les uns sur les autres. Espérons qu’au CAF de Lyon, ils nous considèrent avec le même ton plaisantin. Nous montons par la combe des plans.

Progresser dans la brume n’est pas très aisé mais quelques éclaircies nous permettent non seulement de trouver la bonne direction au bon moment mais aussi d’enlever temporairement une ou deux couches de vêtements, au pied des châteaux, même si nous ne sortons pas de la cave à vingt puisqu’à cinq, ce ne serait pas raisonnable. Arrivés au col de la valette, notre dénivelée est de mille petits mètres environ si bien qu’en attendant que le groupe soit complet est évoqué la possibilité de monter au col des aiguillons voire de traverser avant de descendre par un autre vallon ; le ciel se couvre franchement ce qui nous convainc de rester plus modeste et c’est à une très courte majorité que nous montons néanmoins jusqu’au col.

La vue sur le Cheval noir est éphémère et depuis le col de la Valette, j’ai pu apercevoir très brièvement ce que je crois être le dôme de Pramecou ; à peine arrivé au col des aiguillons, nous décidons de descendre rapidement en faisant exactement le parcours inverse de l’aller ; le début de la descente est émaillée de quelques éclaircies, mais l’identification de l’itinéraire reste compliquée. La neige est par moment excellente, ce que nous n’aurions pas eu par la combe de la Valette, par moment plus croûteuse ou dure mais nous abordons sereinement un couloir sympathique dans lequel Jean Louis et Jean Michel s’élancent avec entrain jusqu’à ce que ce dernier s’immobilise brutalement après un virage pendant lequel il n’a pu retenir un cri de douleur, ayant senti un claquement dans son genou droit : il est environ 14h30.

Jean-Michel reste quelques minutes au sol, au bord du malaise, puis décide malheureusement de tenter un virage, ayant l’impression que la douleur est supportable et la lésion moins inquiétante (cela peut paraître paradoxal mais de bons muscles ne garantissent pas de bons ligaments). C’était sans compter la probable rupture ligamentaire puisque le genou s’est dérobé immédiatement. Nous sommes à environ 2000 mètres d’altitude et le plus raisonnable est d’envisager une évacuation ; même si la pente est forte, il nous est demandé de ne pas bouger dans un premier temps. Fait étonnant, alors que c’est le numéro du PGHM qui est composé, on nous dit qu’il aurait mieux valu faire le 112. L’appel des secours est compliqué car nous sommes à la limite du réseau d’émission/réception puisque nous sommes dans un couloir qui nous en isole, les gendarmes veulent nous localiser via une application mais le sms ne peut être validé par le téléphone utilisé pour appeler les secours, faute de batterie dans ce froid et ce monde déconnecté ! Après avoir réchauffé un ou deux appareils, nous obtenons gain de cause mais le ciel se couvre et l’attente est bien longue ; nous avons maintenant emballé Jean Michel dans une couverture de survie et un peu après 15h, nous réalisons et apprenons aussi que c’est une caravane qui va monter ; a priori, car et vans ne volent pas, cela veut dire qu’on aurait sans doute intérêt à descendre, nous trouvons effectivement que le temps est bien long.

Thomas a repéré sur son smartphone une cabane à 1800 m et il nous est confirmé que l’on pourrait s’y rejoindre. Avec un bâton de longueur réglable, une bande auto-adhésive, de la ficelle et du scotch, nous confectionnons une attelle pour Jean-Michel puisque la pente est trop forte pour constituer ou utiliser un traîneau de fortune : s’appuyant sur un bâton et l’épaule de l’un d’entre nous, Jean-Michel entame une descente qui sera finalement plus longue que prévue. Arrivé dans un relief moins hostile, Jean Louis se lance dans la construction d’un traîneau de fortune mais commet l’erreur de vouloir garder les deux skis parallèles, ce qui était sommes toutes également recevable. Sur une des photos est exposé le modèle proposé par Ortovox (http://ortovox.fr/safety-academy-lab/emergency) et si on trouve des arguments sur skitour ou autre en défaveur d’une telle construction, rien n’empêche de l’envisager, surtout si le temps est couvert ou tout simplement compté ! Les idées générales sont simples : les spatules se rejoignent sur la pelle, son manche est à fixer aux fixations arrières et le sac à dos sert de siège. Lorsque la jambe de Jean-Michel est en aval, ce n’est pas trop compliqué, en revanche, sur le plat, lorsqu’on s’enfonce dans la neige, c’est une autre affaire !

Nous arrivons un peu avant 17h vers la cabane et nous sommes alors en plein brouillard, visibilité à dix mètres ; Thomas et Jean Louis explorent les environs mais ne trouveront jamais la cabane ! Nous utilisons les traces de montée pour espérer croiser le PGHM. Une vrai purée de pois, déclare Jean-Michel ; c’est à ce moment qu’on s’est concerté pour conserver la note légère de ce récit ; la recette s’accommoderait bien de poulet mais c’est au contraire avec beaucoup de reconnaissance que nous accueillons les gens d’â(r)mes qui nous encerclent (une paire redescend de la cabane (en fin limiers!) et l’autre était encore un peu en aval). On saucissonne patte fêlée sur le plat, très plat traîneau ; les sauveteurs nous pressent, et pour cause, le jour baisse, et nous demandent de damer la neige (en fait très dure avec trop de petits blocs qui font autant d’obstacles) en skiant devant eux, mais où ?? Jean-Louis et Hugues repèrent comme ils peuvent l’itinéraire et l’un de nous est envoyé régulièrement en éclaireur pour constater que la pente est trop forte. Si Jean-Michel avait eu un traumatisme crânien (ce qui a bien failli arriver lorsque je me suis penché vers lui avec mes skis sur le sac), j’aurai insisté pour qu’il soit descendu tête en haut mais là, il a eu droit au sens inverse, en tout cas il n’avait pas mal au crâne à l’arrivée. Nos quatre sauveteurs ont du mérite – disons « nos » car nous avons tous bénéficié de leur aide, nous évitant d’être plus ou moins coincés la nuit dans le froid annoncé plus rigoureux dès la fin de journée – à guider doucement cette masse dans ce dédale d’embûches, ils n’auraient pu être moins nombreux.

Il fait quasiment nuit lorsque nous rejoignons la partie enneigée de la route du col de la Madeleine mais il faut à deux reprises tirer le traîneau en raison de bosses infranchissables. Jean-Michel a été secoué comme un prunier, matraqué comme une pâte à tarte pendant toute la descente. Alors que nous sommes presque au village, nous découvrons un feu au détour d’un virage, tout le village est monté (même les enfants) pour tenter de guider notre retour, peine perdue même si la chaleur en est appréciable, perceptible à trois mètres sans baisser l’allure. Il est plus de sept heures lorsque nous repartons en voiture, rattrapant les pompiers juste avant l’arrivée dans la vallée de l'Isère . Un petit détour par l’hôpital d’Albertville à l’entrée duquel les pompiers se sont arrêtés (les sms envoyés à Jean Michel étant cette fois bien transmis) pour récupérer la clé de voiture de Jean Michel (heureusement, Thomas a pensé à son siège-bébé) et nous arrivons à Bourgoin un peu après 22 heures !

 

Si l’esprit d’entraide et le calme étaient à l’honneur, la réflexion doit porter certainement sur les points suivants :

Sur un itinéraire pas très évident, nous avons persisté dans la course (modeste mais c’est déjà trop) à la dénivelée, alors que le temps restait couvert : à part les pentes sud du cirque de Gavarnie, et encore, en restant à proximité des parois ou des crêtes, je ne connais pas beaucoup d’endroits en haute montagne où on ne risque pas d’hésiter sur le parcours. Le simple fait que la topographie soit difficile aurait-il nous faire renoncer plus tôt par ce temps incertain ?

Interdire au blessé de solliciter sa blessure.

Nous ne savions pas construire le traîneau de fortune (problème théoriquement réglé).

Nous n’avions pas de cordelette.

Seuls un ou deux skieurs avaient une lampe frontale.

Sans son entraînement, Jean-Michel n’aurait pas pu descendre ces 200 petits mètres en deux heures, le retour ne doit donc jamais être trop tardif, on ne sait pas ce qui peut se passer surtout si on est fatigué.

Avions nous au moins deux paires de bâtons réglables ? Des téléphones complètement chargés ?

 

Sans aucune appréhension, nous repartirons ensemble, mais la saison est terminée pour Jean-Michel ; la reprise, incertaine, devra être très prudente.







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