Carnet de route
Un club sen-Chible au froid ?
Le 19/03/2022 par Lambert Pierre
Club (Larousse) :1. association, cercle de personnes qui se rassemblent régulièrement...2. équipe sportive
Groupe : ensemble de personnes…
Ensemble : groupe d’éléments…
Bon alors, c’est à partir de 2 ? de 3 ? ou plus ?
Il faisait suffisamment froid pour garder la veste jusqu’au sommet et redescendre avant de déjeuner, donc articuler sensiblement mieux aurait pu être difficile, surtout quand on vient d’une région proche de l’Auvergne. En fait, il n’en fut rien, nous n’avons pas bien compris pourquoi les deux sorties du jour n’étaient pas plus convoitées, au maximum, ce sont les doigts qui ont à peine souffert, histoire de s’entraîner surtout , de se rappeler que s’il n’y a plus vraiment d’hiver, nous n’oublions pas une telle saison et la nécessité de s’y adapter.
Heureusement, il y avait dans notre équipée les éléments attestant de l’authenticité d’une sortie CAF : le Président, pardon ! Agnès, adhérente de longue date et cafiste-encadrante expérimentée et votre day-rouleur de texte e-mousse, histoire de faire d’une Pierre deux coups. Personne d’autre pour honorer le chef ? C’est peut être pour cela qu’il a eu un instant de faiblesse , vous le devinerez par la suite…
L’essentiel y était : 2 encadrants, un encadré (comme de juste), la mixité, la passion de la montagne, les skis, avec et sans couteaux, les crampons, mais aussi le vent, un soleil furtif et par là même, un test finalement plutôt facile de notre motivation. Nous aurions pu craindre d’affronter le brouillard ou des précipitations rendant la progression ou l’orientation plus difficile. Non, c’était plaisant et nous ne regretterons pas de revenir pour admirer la Meije et pas seulement la neige.
Départ du col d’Albanne balayé par un vent hostile, nous rejoignons la pente très douce qui permet de finir l’échauffement sans ces courants d’air agressifs qui ne seront à nouveau violents qu’une fois parvenus au sommet. Deux skieurs quittent notre itinéraire pour monter probablement sur la pointe d’Emy et l’un d’eux chausse rapidement les couteaux dont le crissement rompt le calme du vallon et sans doute dérange l’écureuil qui nous avait d’abord fui. Notre effectif modeste confère une certaine intimité à notre sortie qui malgré un temps incertain ne perd rien de son charme et d’un certain caractère grandiose. En effet, notre objectif se détache sur cette crête d’abord aperçue par son versant nord puis ses lignes très échancrées ré-apparaissent une fois contournée la paroi du midi séparée de la grande Chible par une sorte de col au delà duquel Eric et Agnès sortent les couteaux. Une barre rocheuse qui se révèle un peu tard nous oblige à perdre un peu d’altitude alors que la crête qui part de la grande Chible pour rejoindre l’aiguille de l’Epaisseur nous masque les autres aiguilles d’Arves qui apparaissent majestueusement au cours de notre progression. Un gypaëte plane lui aussi avec la prestance qui convient aux lieux.
Environ 250 mètres avant le sommet, nous abandonnons nos skis pour finir en crampons. Je suis ébahi par les pas d’Agnès malgré ma grande taille. Cette sortie est vraiment complète (oui, on pourrait aussi vouloir rajouter une corde…) et plaisante. Enfin, le sommet et cette vue superbe malheureusement limitée aux sommets proches, La Meije étant toute enveloppée de nuage ; la Belle méritait plutôt un voile, veut elle éprouver notre fidélité et notre volonté de revenir ? En regardant les photos prises lors de la sortie sur la pointe d’Emy trois ans plus tôt, on apercevait déjà le Pelvoux, pas cette fois-là.
Trop de vent pour déjeuner au sommet, nous redescendons vers cette rupture de pente où nous avions laissé nos skis, située au pied d’une paroi rocheuse. Là, surprise, le président demande à manger, lui qui semble ne jamais vouloir faire de pause lors des ascensions et ne pas être vraiment concerné par ces contingences corporelles ! Rassurez vous, son sandwich a vite été avalé, ce n’est pas plus mal, il y avait quand même encore un peu trop d’air.
La descente est interrompue par la nécessité de contourner la barre contournée à l’aller ; à pieds ou en espaliers, nous nous sommes rejoints au dessus du pas de Pertuite pour profiter d’une neige meilleure en versant nord. S’est brièvement posée la question de redescendre au sud de la paroi du midi mais « nos » encadrants se sont méfiés du couloir qui s’imposerait avant de rejoindre le faux plat final : vu du nord, il était en effet particulièrement impressionnant.
Bien réchauffés par la descente et cette belle ascension, nous retrouvons un col toujours aussi venteux.
Comme dans ces chères Pyrénées, les nuages nous donnent cette image d’une création qui ne se dévoile pas immédiatement, mais qui nous laisse la désirer un peu plus.
« Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard, je ne suis pas apprivoisé » nous rapporte Saint Exupery dans le petit Prince. « Il faut être très patient (…)
Tu t’assoieras d’abord un peu loin de moi (…) Mais chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près ».
On ne conquiert pas une montagne en commençant par le sommet, on l’approche d’abord avec humilité. Qu’est devenu le mont Blanc que bon nombre veulent gravir après une seule et dernière semaine d’initiation à la haute montagne ? Evidemment, il ne s’agit pas de vouloir vainement égaler Mermoz qui réussit à faire décoller un hydravion après cinquante tentatives. La montagne ne serait pas aussi plaisante s’il y faisait toujours beau, les ascensions faciles , identiques ou répétitives.
Pas de photo cette fois ci car le temps ne s’y prêtait guère (luminosité, épreuve des doigts), de toute façon les meilleurs souvenirs sont en nous ; les photographies de cette sortie à la pointe Emy d'où j’avais justement souhaité pouvoir monter un jour sur la grande Chible ont cependant complété ces images bienfaisantes.
Le retour se fait par la route nationale, moins polluante et suffisamment fluide pour sommeiller. Je me réveille à Chignin alors qu’Eric ouvre la fenêtre pour régler le montant de la traversée de Chambéry depuis cette entrée sur la voie rapide. Quelques jours plus tard, je confonds cet endroit avec Cognin pourtant de l’autre côté de l’agglomération, alors que j’écoute un enregistrement de Robert Badinter décrivant sa vie savoyarde pendant la fin de l’occupation. Rousseau n’est donc plus le seul esprit des lumières associé à la capitale des ducs de Savoie; [le paradoxe de la fin de ce siècle est aussi de prétendre abréger les souffrances du condamné] NON INCLUS. Dans cette série d’émissions, le célèbre avocat explique bien évidemment son cheminement dans son long combat contre la peine de mort (https://www.franceculture.fr/emissions/robert-badinter-se-raconte-dans-memorables).
Merci à Bernard et Alain pour la tenue du site, ces récits parfois un peu longs sont au moins l’occasion de saluer ce travail indispensable et fastidieux qui contribue à la bonne vie du CLUB.
Merci à mes encadrants!
