Carnet de route

2017-03-05 Le club des cinq presque à quatre Têtes

Le 05/03/2017 par Lambert Pierre

La belle Etoile, objectif initial de cette sortie en restera presque la seule marque féminine puisqu'il s'agissait d'un groupe de garçons, réduit sans doute en raison des congés scolaires. Les encadrants, Jean-Louis et Bernard étaient aussi nombreux que les encadrés, Philippe M et Pierre. La sortie a d'ailleurs bien failli être annulée compte tenu des conditions météorologiques des jours précédents : abondantes chutes de neige et vent violent, en particulier la veille de la randonnée ; c'est aussi en raison de l'altitude plus élevée et du relief de Belle Etoile, propices aux avalanches que l'objectif a été modifié au profit d'une combe des Aravis, moins dangereuse avec un risque d'avalanche côté 3 dans ce massif.

Avant même le départ en voiture, des pluies sont constatées, sauf à St-Etienne où le temps est clair, mais si des averses sont annoncées, quelques éclaircies laissent de l'espoir, le ciel se déchirant comme le dira Philippe. De toute façon, on ne va pas hésiter sous prétexte que le beau temps n'est pas certain sinon c'est la porte ouverte à de trop nombreux renoncements ; la journée nous donnera raison, nous ne regretterons pas d'avoir affronté les éléments.

En montant à La Clusaz, nous constatons quelques toits poudrés en parcourant Thônes pour finalement découvrir St-Jean de Sixt dans un vrai apparat hivernal. En sortant le matériel de la voiture une fois arrivés au bout de la route des confins, le froid résulte surtout du vent qui est suffisamment fort pour nous pousser à nous mettre en route rapidement, Jean-Louis prenant avec sagesse le temps de vérifier auprès d'un skieur qui semble bien connaître le coin laquelle de la combe de Paccaly et de grand Crêt semble la plus sûre dans ces conditions douteuses, ce dernier lui déconseillant Tardevent ; ceci confronté aux données déjà recueillies, c'est sans hésitation que la première est choisie, l'observation directe étant impossible en raison du brouillard masquant la visibilité, les détonations des pisteurs de la Clusaz confirmant l'importance d'être particulièrement prudents.

Nous voilà partis au milieux de bois clairsemés, magnifiquement recouverts de neige, une couche épaisse , immaculée jusqu'à notre passage, recouvrant déjà le sol. Jean-Louis fait la trace pendant la majeure partie du parcours, initialement aidé par le dernier compagnon du club des cinq, qui sera présenté ultérieurement. Les fins flocons qui tombent pendant ce parcours débonnaire isolent notre progression des bruits parasites et nous permettent de goûter au silence offert par cette ambiance si particulière des chutes de neiges en montagne ; même le frottement des peaux s'ébruite moins, c'est apaisant. La profondeur de la couche de neige fraîche est de presque cinquante centimètre, sous laquelle une couche dure fait redouter un glissement possible de cette accumulation instable. Nous avons donc rattrapé un skieur solitaire qui n'est pas certain de son objectif ou de son parcours ; son équipement modeste laissant craindre qu'il n'est peut être pas muni de DVA. Bernard teste discrètement cette hypothèse et détecte heureusement un signal, ce qui n'est de toute façon pas un gage de sécurité, tout au plus un moyen de retrouver moins difficilement un skieur enseveli depuis un temps certain. Tel Dagobert cherchant son maître, marchant en tête, téméraire et intrépide. Les quatre têtes ne sont peut être pas les nôtres mais sans doute les sommets non loin situés de l'autre côté de la crête sud-est limitant le massif.

Il ne neige plus mais le vent qui s'était calmé, même à la sortie des bois, redevient pénétrant vers 1700 mètres d'altitude si bien que nous restons couverts alors que la pente se redresse, la chaleur que nous produisons restant insuffisante. Nous nous rapprochons de passages exposés et nous espaçons comme l'exigent les règles de prudence ; le voile que créait le vent à la surface de la neige se transforme par moments en véritables ondes torrentielles, la surface de la neige étant elle-même festonnée, telles des vagues finement dessinées ; ce faisant, la trace des premiers disparaît en quelques secondes. On aperçoit au dessus à travers le brouillard le passage du Père et les crêtes hérissées et inclinées qui jouxtent ce col ; le soleil perçant par moment ces couches confère une grandeur et de la majesté à ces lieux et permet d'apprécier la force de ces éléments puissants. Les prises de vues réalisées à contre-jour ne reproduiront pas bien ce que nous avons vu ni l'impression produite.

Arrivés presque en deçà d'une longue corniche et d'un surplomb, la stratégie n'est pas évidente : par la gauche, le passage est très exposé par ce vent violent, par la droite, la pente n'est pas négligeable mais cette progression semble la moins dangereuse. Jean-Louis avance prudemment mais sans traîner pendant que nous frissonnons en attendant notre tour. Nous n'avons guère le temps d'avoir froid puisque nous voyons soudain un amas de neige se détacher de la pente juste au dessus de Jean-Louis qui vient en fait de rompre une plaque qui l'emporte sur plus de vingt mètres tout en prenant évidemment beaucoup de volume pendant que nous envisageons avec effroi la possibilité d'un ensevelissement. Jean-Louis reste on ne sait par quel mystère assis, le torse émergeant de cette coulée tout en poursuivant cette trop longue descente (pourtant brève), cette masse s'immobilisant à la faveur d'une moindre inclinaison de la pente. Enfermé jusqu'à la taille, Jean-Louis semble immobile quelques secondes puis s'extrait lentement de ce piège arrêtant Bernard dans son élan pour le secourir.

Jean-Louis n'est manifestement pas blessé et il est évident que cet incident impose de faire demi-tour, décision évidente et mise en œuvre par tous. Cette neige fraîche rend la descente moins pénible car elle serait parfaite si la couche en était moins épaisse ; du moins jusqu'à ce que Jean-Louis déclenche à nouveau un départ de plaque, sans conséquence cette fois-ci, tout comme la suivante, troisième manifestation d'acharnement contre cet encadrant. Dagobert nous a suivi sans hésitation mais nous quitte lorsque nous sommes en sécurité et au chaud (quel contraste), une fois les premiers sapins dépassés. Nous discutons compte tenu de cette descente précoce de profiter du mobilier extérieur du chalet de Paccaly pour déjeuner, Bernard nous dégageant la moitié de l'immense table extérieure : le soleil cette fois réapparu laisse découvrir toute la crête Sud-Est du massif mais un voile nuageux nous oblige à nous couvrir dès l'arrêt. La salle à manger est superbe, un peu comme si nous avions un appétit de géant, à défaut d'avoir une dent contre les conditions. Jean-Louis propose de remonter un peu, fort déçu de la brièveté du parcours, histoire de parcourir une dénivelée minimale pour le prix de ses départs de plaque mais se heurte à notre réticence, le ciel devenant franchement menaçant. Arrivés à la voiture, il pleut et il vente, moins qu'à 2100 mètres mais suffisamment pour nous hâter de nous mettre à l'abri.

Lorsque le soleil nous a permis d'examiner la combe voisine de grand Crêt, nous avons constaté avec étonnement que tous les skieurs croisés au petit matin y sont allés, leurs nombreuses traces de descente l'illustrant ; c'est contradictoire avec les renseignements obtenus mais l'examen de la pente montre qu'il y a peu ou pas de neige accumulée sur les surplombs : est-ce la plus grande largeur du col qui explique cela ? Jean-Louis est d'autant plus déçu mais notre renoncement n'est en rien humiliant, valorisant au contraire un respect mutuel et celui des sauveteurs qui auraient été impliqués en cas d'accident.

Sortie brève mais enrichissante, merci aux encadrants de l'avoir maintenue et à Philippe qui a renforcé ce duo expérimenté.

 

CLUB ALPIN FRANCAIS NORD DAUPHINE
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